Cas de figure





La Galerie Trois Points est heureuse de présenter Cas de figure, une exposition collective qui réunit le travail d’Evergon, Richard Mill, Natascha Niederstrass et Natalie Reis du 22 novembre au 20 décembre prochain. Par la photographie et la peinture, ces quatre artistes donnent corps, chacun à leur manière, à la figure humaine par de multiples références à l’histoire de l’art et à l’architecture.
Evergon laisse ici la place à Eve R. Gonzalez, son alter égo (étonnamment) née âgée de 80 ans déjà. Active à partir de la fin des années 1980, les grands musées et cimetières du monde ont été les sujets de prédilection de l’artiste qui s’est commise à Paris, Rome, Florence, Palerme, Gênes et Buenos Aires. Enveloppée de son grand châle argentin et munie de sa caméra Olympus qu’elle employait discrètement, elle cherchait à ré-érotiser et dé-Jansoniser les grandes icônes sculpturales de l’histoire de l’art occidentales dont nous retrouvons quelques exemples dans le cadre de cette exposition. Le réputé professeur H. W. Janson (1913 – 1982) a laissé un héritage important, forgeant plusieurs générations de chercheurs, mais il a aussi été fortement critiqué pour avoir complètement évacué la présence des femmes de sa vision de l’histoire de l’art occidentale.
Ce regard critique de Eve R. Gonzalez d’un révisionnisme féministe anime aussi Natalie Reis, qui propose de petites études revisitant les grands canons de l’histoire de l’art – Rubens, Poussin, etc. – et leur rapport à la figure féminine, soulignant notamment l’incongruité de l’expression des personnages qui subissent d’un air quasi béat les atrocités de la violence des sujets choisis par ces artistes. Ainsi, une distance se crée entre l’image de référence et sa réinterprétation fraichement peinte, perturbant nos préconceptions et nous invitant à prendre conscience d’une réalité jusqu’alors invisible, voire ignorée.
Chez Richard Mill, la présence du corps – celui du peintre – se fait fortement sentir à travers la gestualité, le choix du format, mais aussi à travers ce rapport très physique à la peinture qu’entretient l’artiste. Il réussit à nous faire ressentir toute la matérialité du médium à travers les aplats de couleur sans avoir à jouer la matière épaisse dans de forts empâtements. Si l’on a l’impression d’être enveloppé dans la couleur, l’artiste ramène continuellement le regard à la surface en laissant transparaitre le côté brut du canevas qui laisse deviner une figure féminine tout en nous ramenant à la matérialité par l’intégration d’éléments sculpturaux au tableau.
C’est par la photographie que Natascha Niederstrass actualise le langage typiquement pictural du clair obscur, offrant au visiteur une scène de genre aux allures caravagesques. Intéressée par la construction de narrations ambigües, elle revisite ici l’univers d’une série de peintures réalisées par Walter Sickert (1860 – 1942) mettant en scène la relation la relation équivoque entre un homme et une femme, elle nous apparaissant complètement nue alors que lui est entièrement vêtu. Si la connaissance du narratif qui sous-tend la série L’Affaire Camden Town n’est pas nécessaire pour apprécier l’œuvre, elle nous permet toutefois d’accéder à un second niveau de lecture. Sachant que Walter Sickert fut l’un des premiers suspects à être interrogés en lien avec l’affaire de Jack l’éventreur, Niederstrass se plait à jouer avec l’énigmatique et laisse planer une multiplicité de possibilités de narration.